De la modeste construction à l’imposant monument ouvragé, les zaouïas sont omniprésentes dans nos paysages, tant urbains que ruraux, où elles constituent l’un des socles identitaires. Pour cela on ne peut nier qu’elles font partie intégrante du patrimoine arabo-musulman méditerranéen et cela à plus d’un titre. Mais que représentent-elles et qu’elle est la signification exacte de ce mot ?
La dénomination zaouia trouve son origine dans les pratiques de certains Murabit (مَرْبوط [marbūt] ou مُرابِط [murābit]) : en effet, la communauté soufie (رابِطة [rābita]) se regroupe dans un ribat (رِباط [ribāt]) parfois fortifié et qui avait pour mission, dans ce cas, de défendre la ville. Certains soufis avaient alors pour habitude de se retirer dans un coin(زاوية) pour prier ou méditer. La ferveur de quelques-uns d’entre eux, leur dévouement envers leurs prochain ainsi que leurs actes de générosité, sont à l’origine de leur élévation au statut de « saints » (وليّ صالح) et leur zaouïa vouée à entretenir leur souvenir et à recevoir les hommages de leurs admirateurs, souvent sous la forme d’offrandes ou de zerda.
Les hommages rendus aux «oulis » dans les zaouïas ne sont pas organisés au hasard mais correspondent à des dates précises définies par les Moussems : le Moussem n’est pas que chevauchées (fantasias) et banquets, foules colorées, danses mystiques et transes mais il constitue aussi l’événement régional annuel qui exprime une culture séculaire dans toute sa diversité: commerce rural, festivités traditionnelles, rites religieux et spirituels en mémoire des saints marabouts locaux. Ces manifestations dépendent souvent des conditions et dates de la récolte, selon le calendrier lunaire. Il est impossible de donner les dates longtemps à l’ avance. Ils sont organisés par les zaouïas, avec des fonds collectés auprès des notables, des bienfaiteurs et surtout des personnes trouvant dans la cotisation et le don une satisfaction spirituelle et religieuse.
Mais au-delà d’un simple mausolée abritant les restes d’un personnage vénéré pour sa foi et ses actes de piétés, la zaouïa constitue un espace de spiritualité et de méditation. Elle représente aussi depuis le Moyen-âge une autorité politique, sociale et juridique. Plusieurs zaouïas ont façonné l’histoire, la société et la culture du Maghreb. Certaines par leur impact religieux, d’autres par leur spécificité culturelle ou ethnique. Elles sont des gardiennes des traditions anciennes et de la mémoire collective.
La zaouïa, en tant qu’institution, avait un rôle éducatif mais elle offrait, de plus, le gîte et le couvert aux pèlerins, aux voyageurs de passage, aux nécessiteux. Pour cela, son fonctionnement nécessitait un apport financier, matérialisé bien souvent par un habous (حبس), Ex : Zaouïa Sidi Al Bahi, ce mausolée a été construit par le Cheikh Ahmed Al-Bahi, sur ses propres deniers et c'est là qu'il fut enterré. Il se compose de cellules d'habitation pour les étudiants de la grande mosquée Ez-Zitouna ainsi que d'une bibliothèque. Ce Cheikh légua en "Habous" de nombreux biens inaliénables pour que ses descendants continuent, après lui, d'assurer la gestion de cette fondation.
Certaines zaouïa, fortement enjolivées, constituent de plus de véritables joyaux architecturaux et mérite pour cela de figurer dans notre patrimoine culturel et architectural.